Naître d’un nuage, d’une ondée qui ne cesse de tomber. Gouttes fines, gouttes insistantes. Gouttes infinies. Gouttes qui ne cessent de nous inonder de rêves postposés.
La possibilité comme une évidence, l’éternité une danse rythmée. À condition d’oser. Un pied ici un pied là-bas, les bras vers le ciel et le regard qui fixe au-delà de l’horizon. Qu’y voir si ce n’est soi-même, qu’y voir si ce n’est la graine qui germe. C’est la fleur qui pousse, ce sont les pétales qui volent. Vers les autres, ceux qui avaient oublié, ceux qui ne voulaient se souvenir du futur. Vers ceux trop troublés pour sourire du renouveau, pour célébrer le nouveau-né aux pleurs si joyeux.
Il avait fallu paraître impassible, rire des affronts et courir plus vite que les insultes. Le Soleil complice, vers qui se tourner? Vers la pluie triste, vers la pluie salvatrice. Liquide de vie et de mort, énergie à dompter. À canaliser. À enjamber.
Ils étaient partis loin, la tête pleine de passés perdus. Le cœur vide gisant sur les ruines héritées de leurs parents. Les mains chargées d’identités barrées, tamponnées, souillées par des mains étranges.
Ils étaient partis loin, toujours plus loin, si loin que leurs langues s’étaient perdues en route, si loin que les phrases de leurs livres s’étaient effacées.
Ils étaient arrivés, sans trop savoir où. Ils étaient là, présents et absents comme un hymne aux ombres solitaires laissées derrière. En jachère d’eux, le long de l’artère des vœux pieux. Les vieux Dieux ne les entendaient plus, ne les attendaient plus. Les totems étaient terrassés.
Leurs cris étaient forts mais circonscrits, leurs râles longs mais indécis. Leurs corps souffraient des mots armés qui les attendaient au détour d’une rue, d’une école, d’un musée. Ces mots visaient juste avec leurs armes blanches. Leurs larmes tranchaient avec ce à quoi ils aspiraient : un toit et une voix, un doigt indiquant la voie à suivre.
Donc ils repartirent.
Plus loin, plus haut, plus fort.
Plus ailleurs.
Ils partirent armés de leurs blessures, de leurs cicatrices, de leurs scarifications. De leur rage et de leurs espoirs. De leurs pages, de leurs chants et de leurs histoires.
Ils partirent un jour de grand Soleil, il pleuvait abondamment. Ils pleuraient bruyamment, ils dansaient en silence. Çà et là surgissaient des discours, l’oreille glanait des phrases perdues. Elles ne disaient rien, car tout était déjà entendu.
Nul n’aurait pu s’y méprendre, le voyage serait long, car ils n’allaient nulle part. Ils n’allaient que plus loin dans le noir, à la recherche de la lumière la plus pure, celle qui se nourrit de toutes les couleurs, à la recherche de la vie la plus vibrante, celle qui se nourrit de toutes les douleurs. Avec pour seules ailes leur ambition, avec pour seule destination l’infini de leurs galaxies intérieures.
Que nenni, répondirent-ils à ceux qui demandaient s’ils fermaient une porte : il s’agissait au contraire d’en ouvrir de nouvelles. De plus belles, de celles qui donnent sur un palais sans murs. Un palace au toit qui tutoie les astres, ceux-là même qui les attendent depuis trop longtemps.
Alors ils partirent pour leurs morts, pour leurs enfants, pour leur art, pour leurs craintes et leurs joies, ils partirent pour le meilleur et le pire et pour bien plus encore.
Ils partirent pour enfin naître, demain.
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