Hacker se(s) d(r)oit(s).

Le réalisme d’une âme obscure.

Saba, 40 x 40 cm, acrylique sur papier, 2011 © Daniela Yohannes – avec la permission de l’artiste.

Tabou, 50 x 40 cm, huile sur toile, 2013 © Dalila Dalléas Bouzar – avec la permission de l’artiste.

On pourrait associer la représentation au politique, en particulier quand il s’agit des africain(e)s et/ou des corps noirs. Pourtant, l’écueil est souvent de ne prendre en compte qu’une représentation d’un corps tout de chair et d’os. Je n’oublie pas que « nos » corps ont été politisés : diabolisés, disséqués, torturés – deci ; fantasmés, manipulés, publicisés – delà ; rendus anonymes, objectivés, insensibilisés – toujours. Mais, qu’en est-il de notre âme ? Ou est-il encore entendu – et pour de bon, que nous n’avons pas ? Le lexique religieux n’est peut-être pas aussi célèbre qu’auparavant, mais je crois que ce qui nous rend artiste – et surtout peintre « figuratif » de génie, c’est une capacité, non pas à saisir/décrire/capturer, mais à toucher/esquisser/augmenter la complexité et la gamme enchevêtrée des émotions, des sentiments et des croyances de notre alter-ego ; que j’appelle, l’âme. Et c’est précisément ce qui me fascine avec le travail de Daniela et Dalila. Veuillez donc mettre de côté vos critères techniques (occidentaux) / objectifs (occidentaux) / d’histoire de l’art (occidentale) et autres l’espace d’une minute, et laissez-vous aller devant leurs représentations a-temporelles, multidimensionnelles et trans-spirituelles, de « nos âmes ». C’est bien ce qui devrait être au cœur des questions de la « représentation »… non ?

Une nouvelle école française.

Citéphilia, 2016 © Eden du Paradis – avec la permission de l’artiste.

Erotica Romance – Romance érotique, 2016 © Kengné Teguia – avec la permission de l’artiste.

Être noir fait de vous un freak. On s’attend à ce que vous ayez des compétences ou références peu fréquentes (= exotiques) ou, au contraire, des invalidités et des faiblesses (de la stupidité à la violence aux TSPT). Pas d’affirmation de soi. Dans les deux cas, quoique vous fassiez ou proposiez, que vous agissiez ou pensiez, créez ou chambouliez… tout sera noyé dans une lecture exogène et une réception critique – d’ailleurs susceptible d’être une louange hypocrite/naïve/apeurée plutôt qu’un désaccord constructif. Et par exogène j’entends qu’il ne sera pas question de votre trajectoire personnelle mais seulement d’une signification « au nom du groupe ». Vous serez toujours considéré comme le porte-parole de votre race. Pourtant, ne vous méprenez pas : je crois à l’importance d’une « responsabilité collective ». Et même si elle peut parfois être un fardeau, d’autant plus à un moment où nous cherchons tous une reconnaissance individuelle, je pense qu’elle pourrait aussi bien être un avantage ! Etre un paria n’est ni une fierté ni une honte. Dans un sens : c’est juste comme ça. Ainsi, ce qui importe, c’est la façon dont les responsabilités se rapportent à un certain sens de la liberté : votre façon unique de vivre peut devenir exemplaire. Et cela ne signifie pas que vous ayez à suivre les règles, mais que vous pouvez décider des vôtres ! Et c’est dans un sens ce qu’Eden et Kengné m’ont fait comprendre. Leur art est plus libre que d’autres expressions. Plus elles accumulent les états « monstrueux »  (« freaky »), plus elles nous déstabilisent. Et je suppose que c’est là ma deuxième définition de l’art : « un état du bizarre » – illégitime, indiscipliné et rampant.

L’Opéra-archipel.

2016 – sculpture – votive, jeans, coquillage cassis-cornuta, vase, pigments alimentaires, perle végétale, bois flotté, bois, peinture indigo industrielle, (divers fluides), affiche poème, 149,5 x 79,5 cm © Julien Creuzet –avec la permission de l’artiste

Le travail de Julien oscille entre l’art-vidéo, l’installation et une présence singulière de la voix, véritable performance. Ses œuvres sont des poèmes, comme un hymne à une étoile de l’archipel. Pour conclure ce voyage, voici donc un artiste à la clairvoyance singulière, qui donne corps au son, légèreté à la matière et qui raconte la fuite de la plus étrange des âmes.

« D’une intensité, cyan, enfant-chien, | au corps tacheté. | Cyan, sang, | sur le chemin-chien, ou gît le corps bleu, sur le lit d’eau. Sépale, | sépale, | entrailles de lotus. | Corps bleu, | travaille, | dans l’orifice du volcan. | Bleu, efficient, son fils, ciel, son enfant indigo. »

Julien Creuzet

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Daniela Yohannes / (interview to come)

Dalila Dalléas Bouzar / (lire l’interview =>)

Eden du Paradis

Kengné Teguia

Julien Creuzet

COVER : Shariffa Ali, AFRICA’S OUT logo, 2016

Traduction par Justine Rousseau

Par Mawena Yehouessi

Diplomée de Philosophie puis Gestion de Projets Culturels, Mawena fait ses premières armes dans les milieux de l’art contemporain tout en menant de front divers projets : soirées, édition, collectifs artistiques… Fondatrice et directrice de Black(s) to the Future, son objectif est simple : mettre en lumière la part « afro » du monde et performer le futur. | www.mawenayehouessi.fr // @ma.wena

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